Expo 02: les vendeuses ne veulent pas trinquer!

Expo 02

Les vendeuses ne veulent pas trinquer!

Un événement national ponctuel comme EXPO 02 pourrait bien signifier un tournant dans l´histoire des horaires d´ouverture des magasins si les forces syndicales et politiques n´y accordent pas toute l´attention voulue.



En Suisse, la législation qui régit les horaires d´ouverture des magasins figure parmi les plus chaotiques et peu transparentes qui soient… Enchevêtrements de compétences cantonales et/ou communales selon dans quelles régions on se trouve, le tout saupoudré d´un soupçon de législation fédérale (la loi fédérale sur le travail) arrosée de quelques dispositions de règlements d´application (les OLT 1 et 2 !) et d´un chouïa de directives internes du SECO, les ingrédients pour un dossier serpent de mer sont donnés…

Elargir à gogo les horaires d´ouverture: un phantasme patronal!


Si un certain nombre de patrons du commerce de détail ont tenté il y a déjà fort longtemps des offensives tous azimuts pour obtenir un élargissement des horaires d´ouverture des magasins, ces tentatives n´ont pas la même histoire et n´ont pas été menées avec la même vigueur et obsession selon les périodes et selon que l´on se trouve de ce côté-ci ou de ce côté-là de la Sarine. En Suisse alémanique certaines régions connaissent des nocturnes depuis plusieurs décennies, sans véritable opposition syndicale et surtout sans aucune compensation pour le personnel amené à travailler lors des nocturnes. Ce sont bien entendu les grandes surfaces qui ont plus particulièrement exercé des pressions pour obtenir des prolongations et des déréglementations des horaires d´ouverture des magasins. Les magasins de petite et moyenne taille ont suivi non par conviction mais par crainte de voir s´accéler la mort des commerces qui ne suivraient pas ce mouvement…

Les vendeuses sont unanimes à refuser l´extension des horaires!


Depuis sa création en 1996, le syndicat UNIA s´est penché avec une attention toute particulière sur la question des horaires d´ouverture des magasins. Tous les sondages menés auprès du personnel de vente à Lausanne, Bâle, Berne, Fribourg etc. ont systématiquement démontré que plus de 90 % des vendeuses sont opposées à toute extension des horaires d´ouverture. Elles invoquent avec raison le fait que les horaires de magasins figurent déjà parmi les plus contraignants et longs qui soient, rendant ainsi la conciliation entre vie professionnelle, sociale et familiale quasi impossible. Fait d´autant plus inacceptable et absurde que la prolongation des horaires n´engendre non pas une augmentation mais un simple déplacement du chiffre d´affaires.



Fort des attentes clairement formulées par le personnel de vente, UNIA a mené à travers tout le pays un combat acharné contre les velléités d´extension des horaires qui ont fleuri dans nombre de cantons ou de villes, que ce soit en lançant des référendums contre des lois prônant l´extension des horaires, en lançant des initiatives pour obtenir le maintien des horaires ordinaires ou encore en négociant à tout le moins des conventions collectives régionales de force obligatoire ou des conventions à caractère obligatoire prévoyant des compensations pour les heures travaillées hors créneau ordinaire. Nombre de scrutins cantonaux ont débouché sur des résultats clairs de nets refus d´extensions des horaires de magasins. Les autorités politiques qui ont trop facilement tendance à se soumettre aux pression du monde économique doivent parfois se faire rappeler à l´ordre par les syndicats et par la volonté populaire! Les scrutins cantonaux de ces dernières années l´ont démontré à plusieurs reprises: l´ouverture prolongée des magasins n´est ni inéluctable ni nécessaire ; la majorité des citoyen-nes-consommatrices ne la souhaitent pas. Les campagnes s´opposant à l´extension des horaires ne sont jamais perdues d´avance. Mais il faut aussi dire que lorsqu´on gagne une fois, on n´est jamais à l´abri d´un revirement de situation (Zurich est le dernier exemple en date!). Il faut rester aux aguets!



Etonnamment les rangs syndicaux et de gauche ne sont pas toujours aussi unanimes que ce que l´on serait en droit d´attendre pour dénoncer les libéralisations des horaires d´ouverture des magasins. Le syndicaliste ou le politicien qui trouve que c´est tout de même  » bien pratique  » (sic !) de pouvoir aller faire ses courses le soir après une séance qui finit à 20h30, ça existe… Et comble du comble surtout parmi les camarades masculins qui font les courses seulement dix fois par année!

Des salaires scandaleusement bas


Les vendeuses sont d´autant moins enclines à travailler de manière flexibilisée, jour et nuit, que les conditions salariales qui prévalent dans leur branche sont catastrophiques et inadmissibles. On rappelle que les salaires dans la vente figurent parmi les plus bas du pays. L´enquête sur la population active (ESPA) de l´Office fédéral de la statistique démontre que 40 % des vendeuses avec CFC et 50 % des vendeuses sans CFC gagnent moins de Fr. 3000.- net pour un travail à plein temps.



Expo 02 aiguise les appétits des chantres de la libéralisation des horaires d´ouvertures des magasins!



Avec l´approche de l´ouverture de l´EXPO 02, les cantons qui ont des arteplages sur leur territoire entreprennent depuis quelques mois de répondre aux demandes des associations de commerçants qui demandent à pouvoir ouvrir les magasins de manière prolongée durant la durée de l´expo. Et voilà que la valse des consultations, des bricolages juridiques et des décisions est reprise sur le parquet des autorités politiques et administratives. Quatre cantons – Berne, Neuchâtel, Fribourg et Vaud – sont en passe de réglementer les horaires d´ouverture durant l´expo, théoriquement en procédant à un minimum de coordination intercantonale voire même de plus ou moins virtuelle concertation sociale, pratiquement chacun semblant se débrouiller dans son coin, comme il le peut, sur la base de ses propres bases légales qui s´avèrent être radicalement différentes d´un canton à l´autre ! La gabegie est donc au rendez-vous.

Berne, le canton le plus rapide!

Berne vient de décider que durant Expo 02 les horaires ne pourront pas être prolongés sur l´ensemble du territoire cantonal jusqu´à 22h30, comme cela avait été demandé par les patrons et initialement prévu par le canton, mais « seulement » sur le territoire des districts des abords immédiats de l´expo 02, de même que dans les districts du Jura bernois (dont l´immédiateté de l´abord de l´expo échappera aux géographes les plus chevronnés !). A Berne, les dégâts sont donc légèrement limités. Cette décision est sans doute à mettre sur le compte des innombrables pressions exercées par les syndicats et par UNIA en particulier (pétitions de consommateurs/trices aux quatre Gouvernements cantonaux concernés, manifestations, démarches parlementaires etc.), mais cela demeure un succès en demi teinte. Certes, les magasins de Berne, Thoune et d´autres localités éloignées de l´expo 02 ne pourront au moins pas prendre l´excuse de l´expo 02 pour ouvrir les magasins jusqu´à 22h30, mais il en ira autrement pour les magasins de Bienne et environs où les vendeuses pourront être amenées à travailler pendant près de 6 mois tous les soirs jusqu´à 22h30 et souvent sans doute aussi les dimanches, sans aucune compensation digne de ce nom. Les décisions dans les autres cantons sont attendues. Le feuilleton glauque ne fait que commencer!

Maintenir un temps social commun est un impératif de société!


L´enjeu politique et syndical est énorme. Il est en effet primordial d´arriver à éviter de créer un précédent et à empêcher qu´à l´avenir toutes les manifestations présentant un minimum d´envergure puissent obtenir une prolongation des horaires d´ouverture des magasins. Cela constituerait une brèche de plus contre l´interdiction du travail du soir et du dimanche et un « hold up » de plus contre le temps social commun auquel tous les salarié-es et leur familles doivent impérativement pouvoir continuer de prétendre!



Catherine LAUBSCHER PARATTE

Secrétaire centrale UNIA