Lycéens dans la rue contre la loi Fillon

Lycéens dans la rue contre la loi Fillon

Jeudi 24 février, il y avait 40 000 lycéens dans la rue, dont 3000 à Dijon, 2500 à Lille et Strasbourg, 2000 à Besançon, et plusieurs centaines dans des villes plus petites comme Blois, Gien, Louviers, Salon… Contre les attentes gouvernementales, les vacances n’ont pas mis fin à la mobilisation des lycéens. Loin de là… Les revendications tournent principalement autour du plan Fillon (voir encadré) et de situations de pénurie locales, qui impliquent des demandes en postes et de maintien d’options et de filières. Mais la mobilisation s’explique aussi par un ras-le-bol plus général contre les conditions d’études, les difficultés financières des familles, la répression policière… Nous nous sommes entretenus avec une lycéenne de Grenoble pour mieux comprendre les motivations de ce mouvement.

Quelles sont les principales critiques du mouvement lycéen à l’égard de ce plan?

La logique de ce plan est la marchandisation de l’école. Nous nous rendons bien compte que le gouvernement a la nette volonté de faire de l’éducation un investissement rentable pour les privés, de désengager l’Etat de ce service public, ce qui ne peut que renforcer les inégalités. Nous estimons que le rôle de l’école ne doit pas se réduire à une formation pour répondre au marché du travail et aux besoins du bassin d’emploi local. L’élève doit pouvoir s’épanouir, développer sa personnalité, son esprit critique, et sa culture générale. La question des moyens se pose alors que tout dans ce plan vise à faire des économies: à savoir, 827 millions d’euros ont été gelés pour le budget de l’éducation nationale en 2005.

Pourrais-tu revenir sur l’historique du mouvement lycéen: comment a-t-il commencé, quels sont les secteurs qui se sont mobilisés, quelles sont les organisations syndicales en présence etc.?

C’est un mouvement autogéré qui s’est créé à l’initiative des élèves qui ont pris conscience de la dangerosité de la dégradation de l’éducation nationale, et qui étaient désireux de prendre leur avenir en main. Il a commencé à Grenoble à l’initiative des délégués – représentants élus des lycéens dans chaque lycée – et s’est répandu très rapidement. Les deux syndicats lycéens (l’UNL et la FIDL) soutiennent ce mouvement, mais ces deux organisations sont trop peu importantes (en nombre) pour avoir une réelle influence sur l’organisation du mouvement. Le mouvement lycéen reste donc avant tout auto-organisé et spécifique à chaque région; il s’appuie sur la solidarité des syndicats étudiants (SUD, UNEF…) pour avoir des outils (tracts, salles de réunion…) tout en gardant son indépendance vis-à-vis de toute organisation.

Quelle a été la réaction du gouvernement face au mouvement?

Le Ministre a abandonné l’une des mesures les plus controversées du plan, à savoir le contrôle continu du bac, en espérant ainsi stopper le mouvement. Mais M. Fillon a beau dire que sa porte est ouverte pour toute discussion avec les lycéens (qu’il dit «manipulés»), il a proclamé une procédure d’urgence pour que le texte de loi ne soit voté qu’une seule fois au lieu de deux (dans chacune des deux chambres1). Le texte a été voté mercredi à l’assemblée et adopté, seul le groupe UMP (droite au pouvoir) a voté pour – le PS et le PCF ont voté contre, l’UDF s’est abstenue.

Quels sont les liens avec le mouvement des enseignants, lui aussi fortement mobilisé?

Nous n’avons pas de liens directs avec le mouvement des enseignants, même si, bien sûr, nous allons dans le même sens, et avons des revendications communes puisque nous sommes tous deux désireux de sauver la qualité de l’enseignement public. C’est pourquoi nous soutiendrons la grève des professeurs le 10 mars! Mais le mouvement lycéen s’est crée indépendamment de tout autre mouvement. n

Laure N’GUYEN
Lycéenne grenobloise, 18 ans, engagée dans le mouvement, militante à la LCR.

  1. Assemblée nationale et Sénat.

Retrait
de la loi Fillon, notre arme: la grève!

Après plusieurs semaines de manifestations, avec plus de 100’000 lycéens dans la rue, le Ministre Fillon n’a toujours pas compris. Il croit qu’on va arrêter de manifester et rentrer chez nous juste parce qu’il fait passer sa loi plus vite (en «procédure d’urgence») et qu’il reporte la réforme du bac au mois de juin.

Le but principal de cette loi, c’est d’instaurer une éducation à deux vitesses. Pour la plupart d’entre nous, on n’aura le droit qu’au «socle commun»: lire, écrire, compter, utiliser un ordinateur. Et comme le reste ne sera plus obligatoire, l’Etat ne donne plus d’argent à nos lycées pour qu’il y ait les options: histoire-géo, sciences, littérature, économie, sport…

En plus, cette loi rend les diplômes individuels différents d’un lycéen à l’autre. Les diplômes servent à garantir certains droits et un salaire minimum sur le marché du travail (ce sont des sortes de conventions collectives). Si l’on individualise les diplômes, chacun se retrouve tout seul avec son patron pour «négocier» ses droits et son salaire: ce qui veut dire moins de droits et moins de salaire!

Nous ne voulons pas du système d’éducation tel qu’il est: il ne donne pas les mêmes chances selon le milieu social. Nous voulons une éducation de qualité pour toutes et tous. Pour ça il faut plus de moyens.

C’est pourquoi nous manifestons, tenons des assemblées générales et défendons une grève reconductible lycéenne. La grève et les AG, c’est les seuls moyens qu’on a pour réunir un maximum de lycéens et décider démocratiquement des actions! Mardi 8 mars, il y a une grève nationale dans l’éducation, pour virer Fillon et sa politique. Jeudi 10 mars, il y a une grève et des manifestations, appelées par l’ensemble des syndicats avec tous les salarié-e-s, du public et du privé. Ce sera l’occasion de marquer la convergence de tous les fronts contre la politique libérale du gouvernement et d’exiger sa démission.

(extraits d’un tract du 1er mars de la JCR)