Une ville pour les riches? Non à la révision de la LDTR

Une ville pour les riches? Non à la révision de la LDTR

Très bel appartement de 5 pièces.
Centre-ville, spacieux, pièces avec cachet.
Cuisine équipée, parking, terrasse.
Fr. 1500.-/mois

(préférence sera donnée à la location-vente)

Cette petite annonce vous intéresse-t-elle, lecteur qui cherchez désespérément un logement dans un canton qui n’en offre quasiment plus? Si la votation sur la révision de la LDTR est acceptée par le corps électoral le 8 février 2003, ce type d’offre fleurira demain sur les pages de vos journaux favoris.

Mais avez-vous bien lu l’annonce? La dernière petite phrase, en italique et entre parenthèses, ne vous inquiète-t-elle pas?

Acheter son logement ou partir

Grâce à un subterfuge, c’est un durcissement de la crise du logement que nous préparent la droite. Réduction massive des logements locatifs bon marché, explosion des congés pour celles et ceux qui habitent encore ces logements et, enfin, expulsion des locataires récalcitrants. Voilà le sort qui nous est promis si le corps électoral ne rejette pas cette «petite» modification de la LDTR.

En effet, la droite et l’UDC, fer de lance des milieux immobiliers, nous recommandent d’accepter cette «légère» modification pour «assouplir» cette loi qu’ils honnissent depuis tant d’années. Concrètement, locataire, il vous sera conseillé d’acheter votre appartement, mais attention, en l’espace de 3 ans seulement. Un contrat de location-vente vous sera suggéré. Et si vous veniez à refuser ce conseil, alors la procédure de congé suivra son cours.

Une ville pour les riches

Mais dans ce nouvel assaut mené contre les logements bon marché au centre, là n’est pas le plus grave. Genève a comme caractéristique, depuis de nombreuses années, de voir sa population se renouveler rapidement. On parlait dans les années 90 d’un taux de rotation d’un quart de la population tous les 5 ans, nous en sommes actuellement à plus de dix-sept mille personnes qui s’en vont par année, et plus de dix-huit mille qui arrivent. Lorsque ces personnes donneront leur congé, elles laisseront au propriétaire de leur immeuble le choix de relouer ou de conclure ces fameux contrats de location-vente. Ainsi, le parc immobilier locatif bon marché qui est encore très important aujourd’hui, se réduira comme peau de chagrin.

La cité genevoise était la championne toutes catégories en Europe, depuis la fin des années 1960, du maintien au centre-ville et dans les quartiers populaires, de logements bon marché et cela grâce à la lutte des habitants, des milieux de locataires et de leurs associations. Si la nouvelle loi est acceptée, Genève pourrait désormais se ranger aux côtés de la ville de Zurich, qui déplore une perte de plus de cent mille résidents dans son centre. Il nous faut poursuivre résolument le combat pour le droit de tout un chacun de résider au centre. Ce d’autant plus que cette «légère» modification de la LDTR n’amènera aucune nouvelle construction, elle ne fera qu’ouvrir des possibilités spéculatives. Au nom du profit, il y a quelques années, les milieux immobiliers voulaient nous imposer une ville remplie de bureaux, aujourd’hui, ils veulent y privilégier les riches. Ne les laissons pas faire.

Rémy PAGANI