Mettre en échec la feuille de route néo-libérale du Conseil fédéral

Mettre en échec la feuille de route néo-libérale du Conseil fédéral

Lors de l’élection du 10 décembre 2003 du Conseil fédéral, la logique du «moindre mal» a trouvé un écho parmi de nombreuses personnes progressistes: pour barrer la route à l’UDC, Christoph Blocher, il aurait fallu voter pour la PDC, Ruth Metzler. Certain-e-s de nos lecteurs-trices nous ont fait part de leur désarroi, voire de leur désapprobation par rapport au choix de solidaritéS d’avoir refuser de le faire. L’étiquette «fasciste» a été accolée à Blocher et certain-e-s ont alors invoqué la nécessité de lui barrer la route au nom d’un «front républicain».

Au-delà d’une aversion absolue vis-à-vis de Blocher, toutes les personnes progressistes peuvent s’accorder sur la nécessité de s’opposer à la politique réactionnaire et anti-sociale du gouvernement. Les échéances immédiates ne manquent pas, en particulier celle des votations fédérales du 15/16 mai prochain sur la 11ème révision de l’AVS, le paquet fiscal et l’assurance-maternité. Il est nécessaire toutefois de revenir sur la fonction de la politique du «moindre mal», dont l’une des conséquences est le maintien de la participation minoritaire du parti socialiste suisse(PSS) depuis des décennies au Conseil fédéral.

Relevons d’abord que les partis bourgeois (radicaux, PDC et UDC) ont, sur l’essentiel, des objectifs communs, en particulier le remise en cause des «acquis sociaux», la baisse des charges fiscales au profit des plus riches et la privatisation des services publics. Cette orientation néo-conservatrice sert parfaitement les intérêts des dominants dans ce pays, des banques aux sociétés d’assurances, des multinationales aux associations patronales. La question centrale n’est dès lors pas celle de savoir qui de Blocher ou Metzler occupera un siège au Conseil fédéral, mais bien celle de contribuer à ce que, dans les rues, sur les lieux de travail ou dans les centres de formation, une protestation sociale s’organise pour répondre dans les faits à cette brutale offensive.

La logique du «moindre mal» aboutit au pire!

Force est ensuite de constater que plus de cinquante années de collaboration du PSS avec les partis bourgeois au Conseil fédéral n’ont pas permis ni ne permettent maintenant d’enrayer l’avancée de cette politique néo-libérale. La logique du «moindre mal» aboutit au pire! Elle a constitué et constitue un obstacle au développement d’un mouvement social d’opposition, elle désoriente et désarme les femmes et les hommes qui cherchent à s’engager dans les luttes, elle rend plus difficile encore l’émergence, sur le plan national, d’une gauche combative. En braquant les projecteurs essentiellement sur des lieux institutionnels comme le gouvernement ou le parlement, cette logique présente à tort ces lieux comme étant des endroits stratégiques où se nouerait le rapport de force pour contrer la politique bourgeoise. Or, à ce niveau, la femme ou l’homme de la rue ne peut en aucun cas agir. Ce mécanisme donne, par exemple, une importance exagérée, avec ou sans médiatisation, à l’élection d’un Christoph Blocher, tout en renforçant le sentiment d’impuissance de chacune et chacun. Cette survalorisation des institutions est en fait la conséquence directe de l’impuissance dans laquelle se placent les partisans de la politique du «moindre mal», qui finissent par faire dépendre leur propre sort de la «bonne volonté» de leurs adversaires.

Sortir d’une voie sans issue

Un débat est nécessaire pour permettre de sortir de cette voie sans issue. La brutalité même de la politique menée par les dominants fait monter aujourd’hui la colère dans la population, notamment dans une nouvelle génération de femmes prenant conscience du caractère sexiste et discriminatoire des règles imposées dans cette société, chez les jeunes confrontés à la violence de la précarité et du chômage ou parmi les salarié-e-s soumis-es au stress et à l’angoisse de perdre leur emploi. Il n’existe pas de recettes simples pour reconstruire des solidarités et engager des luttes qui permettent de contrer efficacement les diktats de ceux qui gouvernent. Ce qui est certain et qui a fait ses preuves (en négatif!), c’est que l’on ne saurait répéter et poursuivre dans une logique du «moindre mal»: elle étouffe progressivement toute perspective d’une solution de rechange et ne fait que reconduire, en l’aggravant régulièrement, la dégradation actuelle du rapport des forces. C’est à ce niveau qu’il faut agir si nous voulons changer la configuration politique de ce pays.

Jean-Michel DOLIVO