Les casseurs du service public persistent et signent avec la Poste

Les casseurs du service public persistent et signent avec la Poste

En décembre le Conseil national a traité l’initiative fédérale, portée par le syndicat de la communication, dite «Service postaux pour tous» qui prévoit d’inscrire dans la constitution un «réseau d’offices de postes qui couvre l’ensemble du pays», que les communes soient «associées aux décisions relatives au réseau des offices» et que les coûts du service postal non couverts par les revenus du domaine restant en monopole («services réservés») soient payés par la Confédération. Cette initiative malgré la modestie de ses buts a été rejetée par 95 voix à 83. Le débat a pourtant vu nombre d’orateurs critiquer les effets du cours néolibéral et certains remettre en cause – mais un bien tard – le démantèlement des PTT que nous avions été bien seuls à combattre en 1997. Jusqu’au radical genevois Dupraz par exemple qui s’est lamenté: «Lorsque nous avons voté la loi sur la Poste – et je l’ai votée -, nous n’avons jamais voté la fermeture de plus de mille bureaux de poste. J’estime qu’à l’époque, j’ai été tromp酻 Comme se sont trompés et ont trompé les gens les chantres sociaux-démocrates de cette prétendue «modernisation». Nous publions ici l’intervention dans ce débat de notre conseiller national Pierre Vanek. (réd)

J’ai peu de chose à ajouter à ce que dit Monsieur Dupraz… aujourd’hui! La différence, c’est qu’il a été plus «naïf» que nous. En 1997, nous étions une petite poignée à vouloir soumettre au peuple, par référendum, le train de lois qui ont conduit au démantèlement des PTT et à la situation détestable décrite par de nombreux orateurs. […]

Dans un communiqué du mois dernier de votre département, Monsieur le conseiller fédéral Leuenberger, on se félicite de ce que la Poste continuerait «d’assurer un service universel de qualité à des prix raisonnables en exploitant dans ce but un réseau d’offices de poste couvrant l’ensemble du territoire». Ce qui a été dit ici démontre que votre discours: «Circulez, il n’y rien à voir, tout est pour le mieux…», ne correspond pas à la réalité.

Chacun sait que la Poste est sur les rails d’une privatisation qui péjore les prestations à la population, allonge les files d’attente aux guichets, s’accompagne de fermetures de bureaux de poste avec leurs effets négatifs sur le tissu social dans les quartiers et les villages – suscitant les vives protestations, évoquées ici, aux quatre coins du pays, et qu’elle est accompagnée de suppressions d’emplois et d’une insupportable dégradation des conditions de travail pour le personnel.

Pierre-Yves Maillard a fait une démonstration intéressante de l’absurdité, sur le plan économique immédiat, d’un certain nombre de mesures. Il parlait de leur caractère «ubuesque» et «irrationnel». Mais pourtant une explication rationnelle il y en a bien une! C’est que ce train de privatisations programmées se fait au profit de certains, au profit des actionnaires des multinationales et autres entreprises capitalistes, qui cherchent de nouveaux territoires pour faire des bénéfices juteux sur le dos du plus grand nombre, au mépris d’un terme et d’une réalité qui dérange tant le Conseil fédéral qu’on ne le trouve pas une fois dans son message: celui de «service public»!

Le grand coup en la matière a été porté en 1997 déjà en dépeçant l’entreprise des PTT qui faisait partie de notre patrimoine collectif, dépeçage en rondelles qui continue sous la houlette d’un Gygi qui tronçonne la Poste en multiples «centres de profits» et «entreprises» séparées. Ce mauvais coup, fait en trompant la prétendue «naïveté» de gens comme John Dupraz – qui s’en plaint aujourd’hui – a été imposé sans consulter le «peuple», pourtant censément souverain. Ceci en violant sciemment l’article 36 de la Constitution qui prévoyait que les bénéfices de la poste et des télécoms revenaient à la caisse fédérale.

J’en viens maintenant à l’initiative qui, comme l’ont dit ses tenants, est fort modeste quant à son propos et générale dans sa formulation, à tel point que le Conseil fédéral peut prétendre que ses buts sont déjà réalisés dans la loi et dans sa nouvelle ordonnance.

Elle a pourtant quelques mérites. L’un, bien sûr général, sera de donner la parole aux citoyen-ne-s pour qu’ils puissent exprimer dans les urnes comme ils l’ont fait contre la Loi sur le marché de l’électricité, leur opposition à ce cours néolibéral, au «tout-au-marché» que votre majorité impulse. Dans son message, le Conseil fédéral souligne paradoxalement lui aussi ce mérite de l’initiative en osant se plaindre qu’elle «équivaut à inscrire le monopole de la Poste dans la Constitution puisque l’expression ‘services réservés’ serait appelée à y figurer». De ce fait – dit le Conseil fédéral – «la compétence de supprimer purement et simplement le service réservé incomberait exclusivement au souverain.» Et vous vous en plaignez! ça vous dérange! Quel aveu de vos intentions et quelle invitation a contrario à soutenir l’initiative!

Encore un mot sur l’exégèse faite par le Conseil fédéral du texte de l’initiative qui stipule que les communes sont associées aux décisions relatives au réseau des offices de poste – non pas «consultées», mais «associées»! Cette revendication est si élémentaire et démocratique que le Conseil fédéral n’ose s’y opposer de front. Il contourne la difficulté en prétendant, au mépris du sens des mots, que cela ne donnerait aucun autre droit aux communes que celui d’être «entendu». Eh bien, là aussi c’est un motif de soutenir l’initiative.

Pierre VANEK